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VILLECOMTAL SUR ARROS ET SA VALLEE
14 avril 2014

Les mots d'une couturière en Août 1914...

Petit Echo Mode Août 1914

Retranscription du texte

NUMÉRO SPÉCIAL

Le Petit Écho de la Mode
Dimanche 30 Août 1914

A toutes les Femmes de France

Une heure grave vient de sonner.

Notre patrie est menacée.

Et, dans un élan splendide de courage, tous les hommes valides se sont portés au-devant de l’agresseur.

Ils sont partis !

Nous savons, chères lectrices amies, quelle immense douleur vous étreint. C’est un mari, c’est un fils, un père, un frère qui s’est arraché de vos bras. De toute la force de votre tendresse vous auriez voulu les retenir et vous n’avez pas prononcé une parole, vous n’avez pas esquissé un geste pour les garder !

Le sacrifice est accompli !

Vous avez confiance dans la victoire finale, mais vous redoutez que cette victoire soit achetée par le sang.

Quelles appréhensions vous déchirent !  Nous les sentons, nous entendons la sourde clameur d’angoisse qui s’échappe de vos poitrines, et nous sommes près de vous, chères lectrices, dans cette épreuve si cruelle que notre imagination même n’était pas capable de la concevoir ; nous sommes avec vous de toute la puissance de notre sympathie vibrante.

Mais ce n’est point assez de répandre des larmes, il faut nous hausser jusqu’à la gravité de la situation.

Pourquoi ces hommes vaillants sont-ils partis, du jeune homme à la figure rose à peine soulignée d’une naissante moustache, jusqu’à l’homme mûr, aux traits énergiques, à la barbe drue ? Ils se sont élancés au-devant de l’envahisseur, pour l’arrêter, pour l’empêcher de fouler le sol de leur douce France, d’attaquer leurs demeures, leurs femmes.

Ils vont nous défendre, nous couvrir ; ils se mettent entre nous et l’ennemi. Ils subissent le choc, pour que nous soyons à l’abri.

Allons-nous énerver leur courage par nos cris et nos faiblesses ? Ah ! Taisons-nous ! Ils ont besoin de nous sentir vaillantes.

Rappelez-vous le beau regard de leurs yeux, stoïquement secs, au moment où ils nous ont quittées ; que de visions y passaient à cette heure : le cher foyer, leurs enfants, le beau pays si riche et plantureux ; Cela  ils nous l’ont laissé en garde ! C’est à nous qu’incombent mille tâches dont ils étaient chargés jusqu’ici. Armons-nous de courage, un immense labeur s’impose.

Tant de fois notre époque a voulu proclamer l’égalité des hommes et des femmes ! Pour nous, voici une occasion unique de chercher à les valoir. Ils sont partis sans une plainte ! Ils étaient tristes peut-être, mais résolus ; ils n’ont pas faibli… Imitons-les ; élançons-nous dans le nouveau champ d’action qui s’offre à notre courage, sans lamentations vaines.

Que reste-t-il à l’intérieur ? Des vieillards, des enfants, des malades. Ils ont besoin de notre dévouement, donnons-nous sans compter, sans prendre le temps de gémir sur nous-mêmes. Ne choisissons pas, répandons notre charité sur tous ; chacun de ceux qui sont allés, là-bas, offrir leur sang pour nous a droit à ce que nous nous occupions, en retour, de ceux auxquels il manque.

A eux l’héroïsme du champ de bataille, à nous l’héroïsme de l’hôpital, de la mansarde, de la garderie d’enfants. Ne nous attardons pas à colporter des nouvelles inexactes, ne contribuons pas à l’émoi de la rue, à la panique : l’heure n’est plus aux paroles, elle est aux actes.

Qu’une immense solidarité empoigne nos âmes ! Ne se sont-ils pas réellement montrés nos frères en s’élançant  vers l’ennemi qui violait notre sol ? Ils ne nous ont pas demandé si nous avions droit à leur défense : ils ont assuré le poids de la lutte, généreusement. Ne demandons rien à ceux qui sont, au-dedans, victimes de cette guerre, soyons-leur fraternels avec la même spontanéité.

De toutes ces larmes, de toutes ces douleurs, du sang répandu, des détresses physiques, des angoisses morales, de tous ces maux qui labourent nos âmes, qui abiment notre sol, s’élève d’abord confuse et sombre, mais bientôt précise et triomphante, l’image de la Patrie !

Chère et belle Patrie ! Aux jours heureux où la douceur de vivre nous affadissait, nous ne vous connaissions plus guère ; nous avions un peu oublié, au milieu de la grande humanité que nous aimions, le cercle de virile affection que vous nous saurez. Maintenant nous comprenons bien ce que vous êtes pour nous, formée du sol cultivé par nos aïeux, anoblie par leur pensée, vous êtes la réalisation permanente du passé de notre race, vous êtes l’héritage laissé par nos pères, vous êtes l’héritage que nous devons à nos enfants !

Mes chères lectrices, mes chères amies, je vous en conjure, ne vous laissez point abimer par le chagrin ; ne vous repliez pas sur vous-mêmes, ne bercez pas votre douleur : regardez autour de vous, la nation réclame votre vaillance, votre activité, votre énergie. Dépensez-vous, noyez-vous dans les flots d’une charité sans mesure !

Guérissez les malades, élevez les enfants, consolez les vieillards, entretenez ces foyers mutilés.

Car le foyer c’est la douce lumière qui dore les rêves de nos soldats, c’est le cher nid dont le souvenir apaise leurs heures cruelles ; c’est là qu’ils reviendront faire passer leurs blessures et faire acclamer leurs victoires !

LISELOTTE.

Texte retranscrit par Spardiacus le 14 avril 2014.

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Que rajouter après de tels mots...sinon s'incliner devant une si belle âme.

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